Jean Régis PERRIN
Augustoritum : une ville coloniale antique.
Nous ne connaissons pas le chef-lieu de la province
des Lémovices
avant la conquête romaine.
Mais grâce aux travaux des
archéologues et des érudits, nous connaissons bien et de mieux en
mieux Augustoritum, la nouvelle capitale
que se donna cette "cité" gauloise, quelques décennies après la victoire de César. La première carte routière : la Table de Peutinger. |
Au rang des documents qui peuvent donner une image des
routes de la Gaule devenue romaine, l'amateur sera plus sensible
à la Table de Peutinger.
Ce serait la copie
sur parchemin d'un original du second siècle de notre ère, gravé sur le marbre d'un monument.
La Table est apparue aux yeux du petit monde occidental, à la suite d'un héritage, il y a 500 ans. C'est un document figuré qui ressemble à une carte à latitude compressée, très compressée. ![]() |
In
extenso, le document montre les principales routes romaines de
l'Empire, depuis l'Asie Mineure jusqu'à nos contrées
occidentales. Nous n'en présentons ici qu'une toute petite
partie.
A gauche, observez qu'au large de notre Bretagne, l'Angleterre était déjà une île.
A
droite, le Rhône sort de la Suisse actuelle mais tournant
trop vite au sud, il a manqué Lyon (Lugdunum ici Lugduno) perdu
à l'ouest au milieu des terres.
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Effleurant Vienne (Vigenna) et recevant des Alpes un affluent
de rive
gauche, il va
se jeter dans la
Méditerrannée près de Marseille (bâtiment en
demi-cercle: Massilia). Le nom des différents peuples gaulois y est mentionné mais la localisation en est assez approximative. A gauche, en bas, la chaîne des Pyrénées ( arc brun dentelé ) est traversée (au Perthus) par la Voie domitienne qui va en Espagne, venant d'Arles via Nimes et Narbonne. Au-dessus, la Table montre le tracé incertain de 2 rivières ou fleuves parallèles et qu'il vaut mieux oublier car ils n'apportent rien à notre propos. Nos quatre reproductions de la Table se complètent . . . Ci-dessous, entre ces deux fleuves énigmatiques précisément, on remarquera la ville
(dans notre carré rouge, deux tours jumelles représentent le forum) d'Ausrito, abrégé d'Augustoritum :
c'est nous, Limoges !
Plus haut , un bras de mer s'insinue dans les terres : c'est un golfe, sinus aquitanicus, le Golfe de Gascogne. Il est si aplati qu'à son "embouchure" Brest / le Conquet, (Gesocribate ) fait face à Mediolano (abrégé de Mediolanum Santonum) que nous appelons Saintes et qui fut capitale des Santones (touches vertes). ![]()
Restons
sur le sud-ouest de la Gaule, mais notons qu'au sud de la
Méditerranée, l'Afrique du Nord
faisait partie de l'Empire.
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Au milieu de l'agrandissement qui figure ci-contre, (Ausrito /Augustoritum) est une ville d'où partent 4 voies antiques, les principales sans doute mais il y en avait d'autres. Le forum d'Augustoritum ( les 2 tours) est donc représenté flanqué de deux bifurcations (points bruns cerclés de jaune) qui se situent sur le péribole (périmètre) de la ville antique. |
Disons tout de suite que les deux portes
ainsi représentées de la ville antique, ne font plus
problème pour nous depuis la longue enquête
que nous avons mené sur le sujet : - à l'ouest, point de départ des voies de Saintes (Mediolanum, en son temps ville-phare de la province d'Aquitaine) et de Périgueux/Vesunna (la direction de Bordeaux : Burdigala), ne peut être que le carrefour de la Croix-Mandonnaud que l'on ne peut séparer selon le temps et l'époque , du Carrefour Beaupeyrat. - A l'est, le complexe Place Maison-Dieu, Porte-Tourny (Place Jourdan), Casseaux, est tout aussi explicite pour les
voies de Lyon (Lugdunum) et la voie de Bourges (Avaricum). Bourges qui fut elle aussi
en son temps, capitale d'Aquitaine.
Ainsi Cassinomago (Cassinomagus) à l'ouest (point rouge), figure à 17 lieues gauloises d'Augustoritum, distance parfaitement exacte. C'est l'étape importante et monumentale de Chassenon. Pour les spécialistes, les noms latins de nos villes actuelles sont en majorité connus mais quelques-uns font encore problème. Ainsi, supputations mises à part, la localisation de Sermanicomago au-delà de Chassenon est inconnu et si plus loin, Aunedonnacum est l'ancien nom d'Aulnay, on peut se demander ce que le rédacteur et/ou les copistes de la Table ont voulu représenter en inscrivant ici une localité située très au nord de la ligne directe Limoges-Saintes : on peut toujours penser à un itinéraire de liaison ou de jonction mais à ce jour rien n'est évident. Toujours à l'ouest mais sur la seconde voie voie,
Vesunna est Périgueux et Fines
(Thiviers peut-être), l'étape-frontière entre les
Lémovices et les Pétrocores. Au bout du chemin Burdigalo, Burdigala est Bordeaux. Mais Périgueux (Vesunna)
précisément, situé à plus de 100 km de
Limoges n'en affiche guère plus de 60 pour le rédacteur
de la Table.
A l'est de Limoges, Acitodunum serait Ahun mais Pretorio reste mystérieux. A cet égard, il est probable que la mention XIIII se rapporte à la distance entre la porte de la ville antique et la première inflexion de la voie vers Avaricum (sous la mention Bituriges). On sait seulement que le nom de Pretorio représentait à cette époque, un site d'étape voire de séjour certainement somptueux, pour d'importants personnages en mission : quelque chose comme un hôtel pour super-préfets IGAME ("Inspecteurs Généraux de l'Administration en Mission Extraordinaire") ou carrément un gouverneur de province, un "procurator". L'érudition locale bataille toujours sur la localisation de ce qui fut sans doute un bel édifice plutôt qu'une petite ville. Et pour cette résidence, on a pu essayer tout récemment de valider le site de Sauviat-sur-Vige : sacrée décentralisation ! Fines représente la
frontière entre les Lémovices et les Arvernes dont la
capitale, Augusto-Nemeto, s'appelle aujourd'hui Clermont-Ferrand. Après cela, la
voie poursuivait jusqu'à Lyon (Lugdunum) capitale des
trois Gaules.
Mais, déjà nous avons perdu pied car le chiffrage des distances, à nouveau, ne correspond à rien de simplement plausible. Sur l'étape de Limoges à St-Priest-Taurion, les itinéraires admis et constamment rappelés par l'histoire locale depuis un demi-siècle, sont divers, inutilement compliqués et nous n'ont laissé au sol aucune trace. Mais par contre et sur une route venue par d'autres chemins, le St Priest d'antan est bien sur la voie ainsi qu'en témoigne un gué proche de la vieille église. Et de là jusqu'à Sauviat, le tracé proposé par COURAUD est assez bien cadré. Mais il a récemment été pollué sans besoin par des propositions qui émanent d'une recherche au sol (?) qui ne s'est pas encore approprié les grands traits de la doctrine routière antique. La
seconde voie,
toujours à l'est d'Augustoritum, est nécessairement orientée
au nord puisqu'elle va à Avaricum (Bourges).
Sur la Table et après une brusque inflexion , nous lisons un embranchement vers Poitiers (Lemonum) et celui-ci fait encore problème bien que l'on propose encore et toujours des cheminements "bouche-trou" sans queue ni tête et inutilement tourmentés. L'archéologie a horreur du vide ! Une réputation mitigée On comprendra dès
lors plus aisément pourquoi la
crédibilité de la vénérable Table de
Peutinger est généralement
médiocre au sein
des cénacles savants : le grand Camille JULLIAN
la considérait comme une totale ineptie. Plus
près de nous et pour Raymond COURAUD, qui tentait en 1960
de réhabiliter les itinéraires anciens à
partir d'autres sources, elle
avait
" la valeur d'un agréable et
inoffensif jeu pour les jours de pluie".
Ce document figuré se montre paradoxalement à la fois trop précis et trop ambigu, pour coller aux propositions "éclectiquement" savantes bien qu'intensément évolutives, des archéologues - au demeurant peu nombreux - qui poursuivent aujourd'hui sur cet étroit créneau , des publications confidentielles. Aussi, nous voyons bien que, pour préserver un gisement où tout un chacun peut à tout moment puiser matière à une nouvelle analyse et à de nouvelles thèses, on en pratique la lecture avec prudence et on observe à son égard, une certaine suspension de jugement.
Nous savons aujourd'hui et nous l'avons dit, que le
relevé enfin exact et exhaustif de ces anciennes
voies antiques qui nous échappent encore, sera le
fait de prospecteurs laborieux et décomplexés qui se seront donné un jour, les
moyens de devenir - guidés par des images aériennes - des
analystes de terrain pointilleux.
Et qui pourront voir un jour, leur patient travail éclairé par l'apport érudit et le jugement de l'archiviste savant : un sujet mineur entrera ainsi véritablement dans l'Histoire. Il se pourrait qu'à ce compte la table de Peutinger en soit un peu réhabilitée : comme une très vieille Chanson de Geste. |
On ne peut espérer reconstituer une image fiable des voies
antiques ou anciennes qui rayonnaient autour du forum d'Agustoritum
si l'on ne dispose pas d'une "photographie"
rigoureusement exacte et précise du tissu urbain et
périurbain actuel où quelques traces rares
trahissent encore des travaux de grande ancienneté. Les plus
vieux cadastres, les plus vieux plans et les cartes actuelles sont des
documents irremplaçables mais les photos aériennes du
dernier demi-siècle et celles de l'internet, plus
récentes et fréquemment actualisées, permettent
d'élargir le champ
d'investigation et de porter sur le terrain des jugements très
réalistes.
Il est remarquable en
particulier que ces images arrivent à trahir des emprises
vieilles de près de deux
millénaires. Ainsi, des soubassements arasés par le temps
et les
exactions, cachés sous
quelques centimètres de terre, se manifestent incidemment
après un long temps d'oubli
pour orienter et asseoir - et en particulier au cours des derniers
siècles
- les bases de nouveaux aménagements.
Certes, j'ai déjà parlé de cet état de fait mais je n'ai pas fini de vous en montrer des exemples sur le cours des voies que nous serons amenés à étudier ensemble. |
Le paragraphe qui suit évoque un exercice d'assemblage de
photographies aériennes qui devait me permettre - il y a 20 ans et plus -
une étude fine du tissu urbain de Limoges et la détection espérée
d'indices archéologiques. Une première remarque importante s'imposa à
moi dès les premières manipulations d'images. Elle illustre si bien ce qui vient d'être dit que je donnerai à la fin de cette page et à titre d'exemple, ma vision du Théâtre d'Augustoritum. |
L'image
ci-contre est un exercice de style
: une mosaïque composée
d'environ 25 clichés verticaux. La précision des
détails est telle que dans sa version native, affichée
à la définition de votre écran, l'image mesurerait
5 mètres de long.
Les difficultés
d'un tel assemblage sont importantes. D'abord, le "redressement" périphérique de
chaque image doit compenser l'assiette "non nulle" de l'avion
autour de ses axes de roulis et de tangage au moment de la prise de
vue. Il reste alors un problème de géométrie qui
tient au fait que chaque cliché est une
perspective conique et non pas une stricte projection orthogonale mais une
"restitution" à ce niveau, est une opération
hors de portée de l'amateur au-delà de quelques points de calage.
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Les légères approximations que l'on est dès lors, obligé
de tolérer lors de l'assemblage, bien que masquées par l'expérience du
graphiste, restent difficiles à maîtriser particulièrement en milieu
urbain où les inévitables alignements de rues mettent à rude épreuve
les ressources des logiciels d'infographie.
Tel quel le projet était destiné à donner une image qualitative fidèle des aménagements urbains dans l'esprit de ce qui vient d'être exposé plus haut. Au terme de ce long travail , les tolérances que je m'étais fixées ont dérivé hors du canevas de base qui guidait le travail d'assemblage et une vacuole irrécupérable en l'état, s'est creusée entre la voie de Rancon (rue Albert-Thomas) et la voie de Chassenon ( rue Louis-Casimir-Ranson) : il aurait fallu reprendre la composition au centre du canevas en la resserrant sur les radiales ouest. Mais l'exercice était arrivé à son terme et déjà les images de l'internet qui gagnaient chaque jour en qualité, le rendait parfaitement inutile dans ses visées historiques. D'ailleurs les clichés, inclus ou non dans la mosaïque, peuvent
toujours être étudiés individuellement ou repris pour des
assemblages limités en nombre en tant que de besoin.
L'intérêt est ailleurs . . .
Que l'on songe par exemple au territoire protohistorique et antique de Chassenon dont on ne connaît encore pratiquement rien en dehors de la zone monumentale. Que l'on songe encore à l'oppidum de Villejoubert, haut lieu de notre histoire protohistorique dont nous sommes encore seul à connaître quelques enclos et quelques structures agricoles. Et que l'on imagine encore qu'à chaque épisode climatique localement favorable à la révélation d'indices archéologiques, on effectue "mécaniquement" une couverture photographique verticale sur ces sites affectés en majeure partie à la culture ou à la prairie donc susceptibles de livrer des traces de fossés et de substructions tenant à l'habitat et à l'ocupation du sol dans ces époques très reculées . . . et l'on prendra conscience des véritables potentialités de la prospection aérienne Par contre et on le comprendra aisément, les document renouvelés annuellement et publiés sur le net par l'IGN ou Google - qui nous proposent une irremplaçable et rigoureuse topographie - ne peuvent pas prendre en compte une problématique de climatologie : ainsi, au niveau de la révélation de sites archéologiques leur performance est sévèrement filtrée par le jeu du hasard. Et de toute évidence, on voit qu'il ne serait pas opportun de renoncer à la chasse aux indices archéologiques à bord de nos petits avions de tourisme. Car en procédant ainsi on réunit toutes les chances de recueillir par compilation et au moindre prix, le maximum de renseignements dans le minimum de temps de vol. Il était dans nos possibilités de réunir et de mettre en oeuvre sur le long terme, les éléments matériels d'une telle aventure. Mais il n'était pas dans nos possibilités d'aller beaucoup au-delà de ce que nous avons réalisé. |
Persistance et pertinence d'une trame antique
dans le réseau routier périurbain
jusqu'au début du XIXe siècle |
Nous
aurons encore l'occasion d'observer sur le territoire de la
petite région qui nous occupe - mais nous l'avons
déjà signalé - la présence dedeux
réseaux de voies antiques. Cette dualité est plus ou
moins apparente selon les endroits et plus ou moins
différenciée selon les aléas de situations politiques : raison de
plus pour être davantage attentifs aux interconnexions et
aux superpositions des deux systèmes. Nous anticipons ci-dessous
sur des remarques qui concernent plutôt des voies tardives mais qui en fait, éclairent l'ensemble du sujet, en
répétant que selon toute évidence, ce sont les
voies tardives qui ont le plus marqué le réseau de nos
routes actuelles.
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Lors
de la lecture du dernier ouvrage deGeorges VERYNAUD:
"LIMOGES, naissance et croissance d'une capitale régionale", paru en 1994 aux Editions de la Veytisou, mon attention fut attirée par des anomalies répétées dans le tracé de certaines rues, telles que figurant à l'ancien cadastre de 1812 utilisé par l'auteur. Certaines églises ou chapelles étaient encore là pour suggérer une origine au phénomène. D'autres étaient depuis longtemps disparues mais l'histoire locale en gardait le souvenir. C'est alors que parut dans Travaux d'Archéologie
Limousine, tome 17, 1997, sous la plume de Jean-Michel DESBORDES:
"Cultes routiers en Limousin: du paganisme au christianisme".
Sans partager nécessairement les restitutions
d'itinéraires de
ce très savant
|
historien, j'appris
que certains de
ces lieux
de culte avaient été
représentés par des
églises
paléochrétiennes, c'est dire
qu'elles avaient
pu être créées
dès le début du Vème siècle, aux temps du
Bas-Empire et de l'essor du christianisme.
A l'exception de St Pierre du Queyroix ( la petite rue Mireboeuf
figure le reste d'un contournement ! Explication ci-dessous), ces
églises de l'antiquité tardive sont pour la plupart disparues
: St Martin
(les
Feuillants), St Paul, St Augustin ... avaient sans doute
été initiées pour
remplacer des sanctuaires routiers païens. On
espérait ainsi éliminer des pratiques persistantes de
dévotion
populaire envers les anciens dieux.
Pour fixer mon propos, on trouvera
ci-dessus une copie du cadastre napoléonien de Limoges (1812),
compilée et ajustée avec quelques plans de Georges
Vérynaud, sur quelques axes de circulation porteurs d'une forte présomption de grande ancienneté.
Or les vieux sanctuaires, selon notre
courte expérience, étaient établis en leur
temps, en léger retrait des voies antiques. Les
églises
ou les lieux de cultes paléochrétiens qui les
remplaçaient,
semblaient au contraire avoir été établis sur
l'espace public de
la chaussée, comme la conséquence possible
d'un
prosélytisme exacerbé, obligeant le voyageur à
sacrifier au rite nouveau ou à tout le moins, à honorer
le temple d'une visite .
Jusqu'à ce que, à terme, la route finisse par pousser un
diverticule pour le contourner et que se crée
éventuellement une place publique autour de l'édifice,
le pérennisant ainsi dans sa solennité.
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Les dérivations indiquées ci-dessus ne sont sans doute pas isolées : j'y ajouterais l'Eglise St-Cessateur, rue des Pénitents Rouges ... L'image que nous en propose le plan de 1873, recouvre un important croisement d'itinéraires dont le plus tardif s'enracine sur le noeud routier des Arènes et file vers les gués de Verthamont : observez les petites rues qui y convergent et l'inflexion de la rue des Pénitents-Rouges qui va rejoindre le carrefour de Beaupeyrat, au sud. L'étendue du plan supporte en effet 5 voies - toutes époques antiques confondues - rayonnant autour ou à proximité de ce carrefour et sur lesquelles nous reviendrons dans le cours des pages suivantes. La création de la rue Pétiniaud-Beaupeyrat amorcera la désuétude puis la disparition de la vieille rue dite "Les 4 Chemins" qui conservait le souvenir d'un accès à la ville antique (flèche rouge tirant vers le haut, à droite), une entrée qui deviendra bien plus tard au Moyen-Age, la Porte Saint-Esprit. Ainsi pourrait être admise - au cas par cas - l'origine précoce de
ces voies dont les derniers édifices cultuels évoqués paraissent
avoir affecté le cours deux ou trois siècles plus tard.
Et ce n'est peut-être pas l'effet du hasard si toutes ces liaisons suggèrées dans le cadastre du début du XIXème , apparaissent en forte corrélation avec les itinéraires antiques que nous avons mis en évidence dès la périphérie d'Augustoritum. Une seule liaison manque au cadastre de 1812, c'est celle de la Maison-Dieu au village des Casseaux. En revanche ce lien s'est fortement établi (ou rétabli ?) dans les aménagements urbains de la fin du XIXème (sur quelles réminiscences éventuelles ?) . Nous y viendrons peut-être dans les pages suivantes. |
Car
prétendre fixer des sorties routières sur les limites de la ville
antique suppose que l'on aura assez d'arguments et de souffle pour
prolonger ces itinéraires en relevant tout les 100 à 200 mètres ,
au pire tout les 500 mètres
et sur des dizaines de kilomètres ininterrompus, les
vestiges laissés par les constructeurs antiques.
Qu'il s'agisse de détails matériels comme les tranchées d'écrêtement du relief, les chantiers de carriers, les dépôts récents des cultivateurs épierrant leurs labours, les déviations de ruisseaux parmi des restes de ponceaux, les gués où les restes d'empierrements entretiennent encore une végétation arbustive, les résurgences au bas des pentes issues des fossés comblés mais encore perméables . . . Ou qu'il s'agisse des signes induits dans les cultures ou dans la végétation naturelle et sur lesquels nous ne voulons pas revenir |
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Toute autre démarche relève d'une fiction savante qui, au mieux, mélange inconsidérément les époques. |
Dans ce domaine deux siècles et
demi de recherches, de trouvailles et d'intimes convictions nous interpellent.
Les nombreux écrits qu'une compilation érudite pourrait nous proposer, ne sont malheureusement pas d'une grande fiabilité. Parmi ceux qui font référence aux détails du terrain ou à l'équipement remarqué et contrôlé des voies, on observe un asservissement de la recherche à des voies de seconde voire de troisième génération qui sont apparues ex nihilo, en fonction de besoins nouveaux répartis sur des temps très longs : de l'Antiquité finissante au Haut-Moyen-Age et aux Temps Modernes. Il manquait à nos anciens des références à des textes fiables, contemporains des faits recherchés et nous savons bien qu'ils n'ont jamais existé. Il est remarquable en particulier et ce n'est pas pour nous surprendre, que jamais n'aient été interceptés et/ou reconnus les restes des grandes voies de la conquête. Il demeure regrettable que l'on continue encore et trop souvent à se référer en écholalie - comme à d'incontournables principes - à des notions sans fondement véritable et à des aspects mal établis, jamais vérifiés ni jamais remis en cause. Les routes antiques auront beaucoup divagué. |
Cela dit, on peut s'appuyer très fort sur ces principes . . . si c'est la seule façon de les faire céder ! |
Tout à fait
opportunément vient de paraître en 2009, dans la revue
à comité de lecture et à parution annuelle "Travaux d'Archéologie Limousine", une
étude de Jean-Michel DESBORDES et Jean-Pierre LOUSTAUD intitulée :
"Augustoritum / Limoges : à la recherche du gué fondateur de la ville
antique et des carrefours suburbains".
Une
occasion rare pour les amateurs de chemins antiques de confronter ces propositions à nos
résultats personnels issus d'un argumentaire très
différent dans ses sources sinon dans son esprit. |
Patiemment mises au jour à l'occasion de fouilles de sauvetage ainsi
que par la réalisation d'aménagements divers rendus nécessaires par
l'expansion de la ville, l'afflux des populations de la périphétie, les
travaux d'urbanisme ou à vocation sociale . . . le canevas des rues et
des équipements de la ville antique d'Augustoritum sont de mieux en
mieux connus. Les rues petites ou grandes qui quadrillaient l'espace urbain antique orientent les recherches vers des prolongements en rase campagne sans que pour autant la rue ne devienne nécessairement autre chose que la racine d'un itinéraire qui allait quitter la ville et cheminer avec sa propre logique fort éloignée souvent de celle des 10 à 15 siècles qui ont suivi, avant d'arriver jusqu'à nous.
Ainsi donc il apparaît
illusoire et peut se révèler éminemment trompeur de vouloir trouver sur
le
territoire qui fut celui de la ville antique, autre chose que de
rares indices conservés - mais pas forcément appréciés en tant que tels
- trahissant l'emplacement
ou le passage de tel ou tel équipement antique. Et c'est parfois la démarche récursive ou récurrente (c'est selon !) qui
permet à la voie romaine de haute campagne de revenir
éclairer l'origine antique de telle ou telle rue de la ville.
Quoi qu'il en soit, les rapports des érudits dans les deux
siècles écoulés mais surtout la surveillance
des travaux urbains et les fouilles des archéologues
(au premier rang desquels il faut placer Jean-Pierre LOUSTAUD),
ont fait faire dans les 50 dernières années , un
bond pharamineux à une connaissance qui place aujourd'hui Augustoritum au rang de ville antique de France dont la
topographie est la mieux connue.
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Notre copie du canevas "Loustaud" des rues de l'antique Augustoritum est ici
reporté sur le tissu urbain de la ville moderne.Notre travail ne
prétend pas à l'exactitude absolue au
décimètre près. Celle-ci est du
ressort de son auteur.
Le document est cependant suffisant précis pour
reconnaître la rue cardinale principale (cardo maximus
) qui courait du Pont-St-Martial jusqu'à la Place d'Aine, longeant
à l'ouest le forum (rectangle central sur fond rouge).
Au nord de celui-ci, la rue décumane principale (decumanus maximus) allait de l'ancienne Croix-Mandonnaud (la bifurcation antique de Peutinger : carrefours des rues Ferdinand-Buisson, Clos-Adrien, de Nazareth et Pierre-Brossolette) jusqu'à la rue des Allois dans l'enceinte du Puy-St-Etienne. |
Dès la création de la ville antique, une décennie avant notre ére
chrétienne selon les historiens et durant les siècles de Paix Romaine, les sorties
sur ces axes majeurs correspondent comme nous pouvons en juger,
à des prolongements routiers précis.
NB : A quelques centaines de mètres, l'actuel Carrefour Beaupeyrat se présenterait comme un complément à la Croix-Mandonnaud sur les itinéraires tardifs contournant la ville antique par le nord (page suivante). |
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On sait depuis des temps immémoriaux qu'un
théâtre antique existait près de l'entrée
nord du Pont-St-Martial.
Sur ce lieu, un espace monumental se formait, digne des grands itinéraires qui sortaient de la ville par le sud. Dès avant l'an mil, de très vieilles chroniques signalaient en effet, l'existence d'un tel édifice. Au XVIIème siècle il subsistait encore des parties visibles mais les rares découvertes actuelles faites au hasard des travaux de voirie, ne permettent plus de retrouver son plan. Difficilement lisibles, les dernières mises au jour de substructions en bordure de l'Ecole Roger-Franck et au débouché de la petite rue Sainte-Félicité, en 1987, minimisent l'idée que les fouilleurs se font de cet édifice. |
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oriente
la réflexion vers la possibilité ( proche d'une
certitude) qu'il y ait eu sur ces lieux un très grand
théâtre antique |
Nous restituons ce Théâtre en fonction du bâti actuel. Il semble ainsi
qu'il pouvait présenter une forme semi-circulaire légèrement
outrepassée. Car comment expliquer autrement la conservation encore très évidente, du long alignement courbe des façades qui borde à l'est l'ancien Faubourg (devenu rue) du Pont-St-Martial. Une rue dont le tracé s'infléchit toujours comme pour laisser place encore à l'arrondi de l'imposante façade du monument. Et l'amorce d'un chemin (l'Impasse des Teinturiers d'aujourd'hui) qui suit la courbe de l'énorme bâtiment, fut l'un des accès à la ville du Bas-Empire. En tout état de cause, il s'agissait sans doute d'un véritable "monument" dont le diamètre pouvait approcher les 200 mètres : à égalité alors avec le théâtre antique d'Autun, réputé le plus grand des Gaules. Une dimension troublante tant elle est loin des 82 mètres proposés récemment par les fouilleurs qui en retrouvent sporadiquement les substructions internes lors des travaux de voirie. Avec de surcroît un "petit pont St Martial" qui, bien que d'origine romaine, a toujours été jusqu'à nos jours, constamment tenu par l'érudition locale, à l'écart des grands itinéraires antiques. Serait-ce par manque de curiosité et d'imagination, que les limousins que nous sommes, se complairaient dans leur tendance à l'autodénigrement : un pont de grande renommée certes mais notoirement dévolu à de petites voies antiques incertaines, après avoir "fleureté" avec un petit théâtre . . . |
Mais au fait, au tout début de la création de la ville, ni le pont
ni le théâtre n'étant encore construits, il pouvait bien y avoir un gué à
ce niveau, sur la rivière : c'était peut-être tout simplement cela, le gué d'Auguste.
Puis seraient venus en leur temps, le Théâtre et le Pont d'Auguste
devenu plus tard "le Pont-St-Martial"
et cela aurait eu une tout autre allure que le simple gué des origines,
pour le trivium de départ des trois voies antiques majeures que nous vous proposerons plus loin. |
Et pour ne pas perdre une occasion de rechercher de
vieilles réminiscences dans le tissu urbain moderne, voyons ce
que pouvait être le débouché du Pont vers la ville
depuis les dévasations du Bas-Empire et jusqu'à nos jours.
Après la ruine de la
ville coloniale, le chemin venant du Pont, contournait
le Théâtre (ou ce qu'il en restait) par le nord. L'Impasse des Teinturiers
figure la suite de ce contournement et notre photo verticale de 1990 nous restitue les
rues modernes que le vieux chemin d'accès à la ville
murée a fixées. Son raccord
avec la rue
des Soeurs-de-la-Rivière est encore
fossilisé par l'implantation d'un long bâtiment au
fond de la cour d'une ancienne caserne (point rouge sur toit d'ardoise).
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Puis c'est la remontée du haut de la rue des
Soeurs-de-la-Rivière qui s'évase ostensiblement à droite
pour rejoindre
la rue Orphéroux. Enfin, l'ancienne petite rue de la Planchette devenue la partie basse de la rue
des Petites-Maisons et son
petit pont, une "planche", sur le ruisseau d'Anjoumart, aménageaient cette fin du parcours
de l'antiquité tardive.
Ainsi se rétablissait la liaison vitale entre le Pont et la ville murée du Puy-St-Etienne ( la Cité de l'Evêque) par une entrée qui deviendra au Moyen-Age, la Porte Traboreu. Ce trajet est fléché en rouge. Pour
mémoire, l'actuel chemin de la Font-Pinot rappelle le
début d'un itinéraire qui pénétrait dans la
Cité par la Porte du Chêne (flèches vertes).
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L'emprise
du théâtre antique explique encore la courbure du bas
de la rue du Pont-St-Martial (ancien cardo maximus) qui
s'en trouve désaxée par rapport au Pont. La Civitas lemovicum
n'eut longtemps qu'un seul pont et on voit encore ce que fut quelques
siècles plus tard, le trajet desservant une ville
médiévale nouvelle qui s'érigeait au nord-ouest du
Puy-St-Etienne, autour d'une motte féodale portant la tour d'un
seigneur :c'était la Ville du Vicomte, le Château et on y pénétrait,
venant du pont, par la Porte Manigne (flèches jaunes).
Nous
nous retrouverons bientôt dans une autre page pour suivre à partir
du Pont-St-Martial et sur quelques dizaines de kilomètres, les
routes antiques majeures qui justifiaient la magnificence des
monuments de cette sortie sud d'Augustoritum.
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