Jean Régis PERRIN
La voie tardive du Bas-Verthamont Au Bas-Empire, des diverticules périurbains formaient une voie nouvelle s'éloignant d'Augustoritum en direction de Périgueux. On va la suivre durant 15 kilomètres, par le gué du Bas-Verthamont, sur la Vienne. |
Délaissant donc une ville et son forum amoindris par les incursions
barbares, ce nouvel itinéraire prenait racine au pied de l'amphithéâtre
romain.
L'amphithéâtre qu'une imposante lourdeur monumentale avait pu partiellement
préserver de la ruine. Et on avait sans doute pensé que son énorme
capacité d'abri pouvait aider à fixer la soldatesque qui déferlait du nord-est,
pour peu que des routes nouvelles en privilégient l'accès.
Voilà donc que s'impose dans le paysage urbain et suburbain actuel, un
second passage d'eau, au Bas-Verthamont cette fois, soit à
quelques centaines de mètres du précédent.
Nouveau passage antique attesté au Bas-Empire et devenu pérenne ainsi qu'en témoigne une bâtisse au bord de l'eau que l'on qualifie toujours de "maison du passeur". |
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De temps immémorial, l'ancien gué
d'aval fut oublié et ce nouvel endroit dont l'usage en tant que bac persista
jusqu'à l'aube du XXe siècle, récupéra le
nom de "Gué de
Verthamont". Chacun pratiqua à son aise les chemins d'accès qui l'arrangeaient et la plus grande partie des itinéraires antiques furent oubliés. |
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Saint-Cessateur
Le départ urbain de cette nouvelle voie en périphérie du
Jardin d'Orsay/Place des Carmes et plus précisément au milieu de la rue
des Arènes : c'est la courte rue "Vochave", lo vio chavado en
dialecte limousin, la voie décaissée, "le chemin creux" qui nous clame ainsi
son origine assurément antique mais certainement tardive en
ce qu'elle
ignore le forum et la ville coloniale qui consommaient leur ruine en
servant de carrière aux survivants du Puy-St-Etienne.
Passé la rue des Argentiers, la rue Vochave se poursuit de nos jours par la rue Pierre-Larousse puis par la rue des Pénitents-Rouges jusqu'à son terme au Carrefour Beaupeyrat : le "Haut-Peyrat" et le "Beau-Peyrat" en souvenir sans doute de la somptueuse via agrippa qui croisait par là, allant vers Saintes et dont les empierrements, traversant les siècles, auraient marqué la mémoire populaire. A ce stade de notre raisonnement il est bon de se souvenir que les quelques rues que nous mettons ainsi à l'honneur pour leur origine antique peuvent avoir eu au cours des du temps, maints avatars dont elles portent encore la trace . En 1873 existait encore, au milieu de son enclos paroisssial, barrant l'assise la vieille route d'origine antique qui descendait des Arènes, une église dédiée à Saint-Cessateur. Il est probable qu'elle perpétuait le souvenir d'une église paléochrétienne Traversant les siècles, elle fixa au Moyen-Age, la Confrérie des Pénitents Rouges. |
Et nous avons déjà dit ailleurs ( page "Augustoritum" ci-dessus) ce que nous pensons de
l'origine de ces enclos paroissiaux qui ont causé sur les
voies de l'antiquité tardive, des anomalies de tracé
dont nous relevons parfois l'existence sur les vieux documents
cartographiques et dont nous observons encore de nos jours dans
le tissu urbain , de subreptices réminiscences .
Il pourrait en être ainsi du contournement du promontoire de l'Eglise actuelle Jeanne-d'Arc sur la rue d'Isle, dont nous situons l'emplacement par la mention "Château-Gaillard" qui pourrait faire référence à des vestiges très anciens. La tradition populaire
Car nous aurons garde d'oublier ici la tradition populaire qui assimile avec quelque raison semble-t-il, un autre départ à sa voie de Verthamont, depuis l'Amphithéâtre comme il se doit, par la rue des Arènes et la rue François-Perrin. Puis, passé le carrefour des "treix-treix" (le Canadier et selon le vieux cadastre - les trois trajets (?) souvenir lointain du croisement de la voie d'Agrippa(?) - cet itinéraire-bis se poursuivait par la rue d'Isle actuelle. Après la Croix-des-Places (carrefour actuel avec le Boulevard de Vanteaux), une courte portion de l'itinéraire se confond avec le début de la rue Camille-Guérin. Et une rue déclassée, devenue allée interne au domaine universitaire, permettait de rejoindre le carrefour de la Cornue d'Isle : conjonction. |
La Cornue
Ainsi et passé le carrefour Beaupeyrat une vieille "Route d'Isle" devenue rue Pierre-et-Marie-Curie puis la rue de Bourneville, prolongent notre itinéraire jusqu'au territoire communal d'Isle et nous amènent ainsi au lieu-dit La Cornue. Ce nom bien ancré dans la tradition festive limousine, évoque la brioche des Rameaux dont la forme d'étoile à trois branches est inspirée dit-on du trivium antique . La bifurcation de la voie antique est tout à fait évidente sur nos documents. Nous en observons encore la trace ci-dessous, sur la photo verticale de l'IGN extraite de la mission de 1950 ( point rouge). Notons au passage que le toponyme de "Cornue" ne peut remonter plus haut que le Moyen-Age, époque à laquelle l'autorité écclésiastique aurait prescrit aux "pestors" (boulangers) et autres pétrisseurs de fougasses, de donner une nouvelle forme à trois pointes égales (ou presque !) à une brioche qui jusque-là illustrait crûment le mythe païen de la fertilité virile et printanière par une forme ouvertement et anatomiquement priapique. |
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Mais
puisque nous en sommes à la forme des choses, rappelons que la
bifurcation romaine se présente souvent comme une construction
symétrique par
rapport au prolongement de l'axe routier avant sa division. Deux
routes auxquelles l'ingénieur s'attacha de surcroît
à donner la même importance. Il n'est pas rare que la
réussite de l'exercice ait demandé en préalable un
léger "désaxement" du tronc principal.
Nous retrouverons un schéma semblable sur la Lande de la Pierre-Levée non loin de Chez-Mouteau - communes de Cognac et St Auvent. |
Enfin, au cadastre de 1812, "La Cornue" est encore bien présente en tant que bifurcation : la branche inférieure va vers le site de la Chapelle et des Champs, faubourgs d'Isle et peut-être site primitif (?). Cette dernière direction aura disparu en 1950. La branche supérieure, l'axe principal, ira traverser les terres qui deviendront le site des Bayles et à distance, filera vers le Bas-Verthamont. Quand au village d'Isle que l'on peut toujours présumer d'origne antique (Insula) , il prendra sans doute une importance nouvelle lors de la fondation sur un replat dans la pente, du palais épiscopal et de son église. Il aurait pu alors être prioritairement rattaché à la ville d'Augustoritum par le diverticule des Perrières qui deviendra . . . l'avenue de Limoges (flèche verte). Pour mémoire nous rappelons que le site de "la Cornue d'Isle" reçoit également un diverticule venant de l'Amphithéâtre par la rue des Arènes, la rue François-Perrin et à quelques dizaines de mètres de la naissance de l'Avenue de Naugeat, la rue d'Isle. Des parcellaires fossiles qui remontent à l'antiquité On sait qu'il n'est pas rare que des limites de parcelles fossilisent telle ou telle partie d'une voie antique. Revenant à notre embranchement de La Cornue (cadre rouge) , on observe de prime abord que la voie principale est doublée par une limite parcellaire : ce détail que nous appelons un "parcellaire-relique" trahit l'emprise de la voie romaine qui a servi de guide à la route "moderne" (pointe de flèche jaune). De façon informelle, cette route s'est d'abord établie sur le bas-côté nord de la voie antique. Puis et quelques cent mètres plus loin, elle a franchi les restes de la chaussée antique pour aller circuler sur sa rive sud. Nous observerons un phénomène semblable de limites parcellaires
parallèles et sur une plus grande distance, sur la voie de
Rancon,
non loin de St Gence, entre la Croix-des-Charriers (rond-point) et les bois de la Pinière. On
relèverait sans
doute beaucoup d'autres exemples de ces traces si on consultait
à chaque fois le cadastre
napoléonien.
Plus loin et par un subtil décalage, on observera sur le document IGN de 1950, que les restes de la chaussée antique ont guidé l'orientation de l'ancien corps de ferme agricole qui héberga à ses débuts les locaux techniques de l'Atelier Protégé d'Isle. L'anomalie des BaylesA l'ancien cadastre encore, aussi bien que de nos jours, la propriété des Bayles s'inscrit en orientation discordante dans le parcellaire qui l'entoure. L'anomalie routière attestée de façon concordante par le vieux document de 1812 et la photo IGN de 1950, ne s'explique pas facilement.On peut cependant remarquer que les bâtiments et les espaces agricoles ou d'agrément du début du XIXe qui les entourent au plus près, ont été "normés à l'équerre" sur la portion de voie antique ou ancienne autour de laquelle ils ont été un jour construits : documents ci-dessous. La cause de cet évènement et sa place chronologique ne sont pas évidentes. |
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Du Cheyreau à la Vienne
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Passé les Bayles, la
voie ne déroge toujours pas à l'art de la ligne
tendue chère aux techniciens antiques.
Et du site des Arènes d'Augustoritum jusqu'à Ventre-Noir, des routes modernes l'ont toujours accompagnée à peu de distance. Après un passage en hauteur au-dessus des têtes de source du Cheyreau et jusqu'au carrefour de Ventre-Noir, notre voie se retrouve à suivre une belle allée devenue récemment piétonnière, qui descend vers la Chabroulie. Malgré son air engageant elle ne doit pas émousser notre attention : dans le champ, à gauche, les traces de la voie antique sont jalonnées dans la pente par des touffes de fragon qui entourent le pied des chênes rescapés d'anciennes haies limites de parcelles plus ou moins disparues (points verts). Plus bas, au croisement du chemin de la Croix-du-Thay à l'ancien hameau de la Chabroulie, on observe des bosquets de buis dans une petite parcelle (point vert). Puis au-delà d'une prairie on trouve
le chemin du Château. Quelques mètres encore et nous abordons un petit
ruisseau : dans la pierraille affleurante une veine d'eau déverse au pied de la pente ce qu'elle a
drainé
depuis les hauteurs de Ventre-Noir et au-delà (photo ci-dessous, au centre).
C'est d'ailleurs le seul indice que ce petit gué ait laissé. |
C'est alors qu'il m'a semblé comprendre que ce gué avait pu être un jour abandonné.
A une centaine de mètres en amont, une chaussée construite en surélèvation barre le petit vallon. Une brèche par laquelle s'écoule le ruisseau, donnait à penser qu'un petit pont avait pu exister en remplacement du gué d'aval envasé. Depuis quelques années, la brèche a été comblée et la chaussée d'autrefois retient dorénavant un petit étang. |
Il faudrait toujours faire des compléments d'enquête.
Belle introduction à la prospections des sites antique en attendant l'heure des historiens.L'étude des voies antiques est un petit sujet dont l'accomplissement éventuel n'est pas de nature à révolutionner la perception que nous avons du monde antique : la Table de Peutinger peut sembler suffisante comme approche du sujet. Il n'en reste pas moins que l'étude du terrain est un excellent exercice de compréhension du paysage, à condition d'avoir l'humilité de chercher à en retrouver la sémantique, le sens et l'origine de ses avatars. |
Devant cette situation confuse - le temps de
réfléchir - nous avons fait quelques pas sur le chemin
traversier
qui remonte à la Croix-du-Thay. Et les choses ont pris un cours
nouveau : en bordure du chemin, à main droite, du côté nord, on
observe que l'érosion des terres de culture bloquée par une forte haie, a
généré une haute terrasse qui domine le passage comme
un rempart de 3 à 4 mètres de hauteur.
De l'autre côté, perpendiculaire, une tranchée qui recueille de temps à autre un peu d'eau est illustrée par nos nouvelles images. Ce pourrait être le reste non pas d'une chaussée mais bien du fossé latéral d'une chausée antique, augmenté de son bas-côté gauche et semblablement affouillés et creusés par le ravinement. Car passé ce vestige, la rive du chemin est soulignée par une ligne fractionnée de pieds de fragon sur une dizaine de mètres : la voilà bien notre chaussée antique ! Une autre tranchée moins accentuée s'observe dans la prairie, à droite, nous la repérons par une pointe rouge : c'est probablement le passage de l'autre fossé de la voie, le fossé droit. Il continue d'être parcimonieusement alimenté en eau par les terres d'amont et se purge très mal : en temps de pluie, il est utilisé en abreuvoir. Du coup notre voie prend un tout autre volume. Elle vise maintenent, non point la chaussée du petit étang dont nous faisions mention plus haut , mais à quelques pas en amont, l'allée privée du Château de la Chabroulie qui rejoint la D 74 et dont la chaussée est bâti en fait sur un pont ou un gué d'origine antique. Voilà que pour avoir omis d'éclairer mon sujet par le léger recul d'une enquête proximale, un détail mineur distant de cent mètres à peine et profondément gravé dans le paysage, m'avait échappé. La récente découverte n'infirme en rien le tracé "simplifié" qui m'avait frappé de prime abord et que j'ai décrit au paragraphe précédent. Celui-ci en effet est possiblement venu au secours du tracé que nous venons de décrire quand celui-ci fut "étouffé" et comblé par une coulée massive de pierraille et d'argile venue du haut des terres. Et il semble bien que ce soit exactement cela qui s'est produit : une nouvelle voie fut détachée très haut dans la pente, à hauteur d'une subtile inflexion dont l'allée piétonnière actuelle témoigne encore (point rouge sur le plan de GOOGLE ci-dessus) . |
La photo de Google
ci-contre illustre le beau tracé de la voie antique dans sa
descente vers la Vienne au Bas-Verthamont.
On observera sur la vignette au point jaune, le joli raccordement du chemin du Breuil sur la Départementale 74 : c'est la suite directe du passage sur le ruisseau de la Chabroulie que nous venons d'évoquer. La seconde vignette surimposée (point vert) montre plus loin, l'emprise de la voie antique marquée par des touffes de fragon entre deux rangées de chênes : à ne pas confondre avec le chemin actuel que l'on aperçoit à gauche. Ce passage aurait mérité une image à plus grande échelle : c'est le "pont-aux-ânes" de la prospection des voies antiques. Enfin nous en appelons à la photo verticale IGN de 1950 pour montrer la belle courbe héritée de la voie, qui guidait à l'époque les limites des parcelles. Nous remarquons dans le même temps deux rangées d'arbres fruitiers présents sous la ferme du Breuil et qui pourraient éventuellement trahir un diverticule plus ou moins antique. Il présenterait l'inconvénient d'être décalé par rapport au but fixé sur la rivière et de passer très près d'un à-pic rocheux. Par expérience, nous continuons cependant à croire que ce genre d'indice ne doit pas être éliminé, même si son intérêt présent nous échappe (petite photo noir et blanc de 1950 surimposée, à droite). |
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Néanmoins
la certitude du tracé direct nous est
donnée par l'incident des eaux qui s'est sans doute
déclaré lors de la construction de la ferme du Pic. Deux des
photos ci-dessus ont été prises au sol exactement sur l'axe de
la voie, au centre, la troisième est une vue aérienne de 1986,
à l'exacte verticale du site. On y voit le réseau
souterrain fossile crevé par les constructions, s'épancher longuement dans la prairie en
pente (flèches bleues, point bleu).
Nous avons suffisamment parlé de ces résurgences de pente pour qu'il ne soit plus utile d'argumenter. |
Le passage d'eau du Bas-Verthamont
La forte pente sous le Château du Pic,
traitée de vieille date en parc paysager, ne permet pas
de définir à distance, un trajet précis
jusqu'à la zone d'atterrissage des bacs (barre jaune sur les photos verticales).
En revanche et en rive gauche de la Vienne, la vaste prairie de rive et ses bâtiments sont considérés comme la zone d'attente antique par les publications contemporaines (zone verte, 2 points verts sur les photos ci-dessous ). Cette grève ne concerne que les activités récentes du passage d'eau et sont en nette décalage avec l'atterrissage antique . Les points d'atterrissage antiques (zones jaunes) se situent à quelques
mètres au-delà et en aval des bâtiments actuels.
Une trace de chemin oublié se discerne encore dans
les fourrés; elle s'éloigne de la rive
vers le sud et par-delà la route actuelle (D 32) une tranchée s'ouvre
dans la pente dès la fin des aplombs rocheux.
Elle était restée jusque-là vierge de toute construction et l'endroit passait facilement inaperçu. Il est photographié ici en cours de défrichement sous l'indication RD 32, il vient de disparaître en tant qu'indice archéologique sous une maison individuelle (pointe de flèche rouge). N B : Le site d'atterrissage de rive gauche de l'ancien bac du Bas-Verthamont vient d'être érigé en propriété privée : il n'y a sans doute plus rien à voir. |
Après la traversée de la Départementale 32, il est peu indiqué d'essayer de remonter la
pente par la tranchée du chemin antique.
N B : Prestation devenue imposible, le terrain est bâti (pointe de flèche rouge). Il est plus "rentable" passant par le Bastier, d'aller recouper la trace au niveau de la voie ferrée : près du pont sur le chemin de fer, un chemin piétonnier longe les rails jusqu'à un point bas où nous retrouverons précisément le passage de la vieille voie (images du bas, ci-dessous). |
Au-delà de la
voie ferrée la voie
antique va traverser le Bastier.
On la verra s'infléchir à droite et ressortir plus haut, parallèle et à l'ouest de la Départementale 11 a. Ses traces s'inscrivent d'abord sur l'arrière des propriétés bâties puis sur la ligne de crête entre les ruisseaux Cramoulou et Boulou et comme à l'accoutumée, son parcours sera toujours guidé par le relief voire comme on a pu le voir ailleurs, infléchi par des incidents de parcours dont on sait parfois entrevoir l'origine humaine. On notera sur le parcours les toponymes tels que "La Pouge", la route de hauteur (podium) et "Lestrade" , la route épaisse, construite en couches successives (via strata). J'y ajouterai, plus loin, "Les Rochers" rappelant un dépôt de pierres et de blocs, souvenir d'un très ancien chantier abandonné. A ROYER, nous en parlerons dans la prochaine page, la voie du Pont-Saint-Martial nous arrive par le Chambon et la Béchadie, elle fait ainsi sa jonction au milieu de reliefs de civilisation oubliés comme le beau village agricole gaulois de la Chaize (panneau ci-dessous). Mais l'évolution récente des parcellaires ne permet plus une lecture de paysage pertinente.
Quant à la voie réputée plus
ancienne, issue du gué du Haut-Verthamont et que nous avons
suivie sans difficulté par Beynac puis Burgnac où
nous l'avons abandonnée, elle pourrait par la proximité
de Meilhac, converger comme les deux autres vers un site au
nord-nord-ouest de Nexon dans le large environnement de la
gare SNCF.
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Au début des années 1990, le regretté René LACOTTE
reprenait à la demande de la Mairie d'Isle, l'histoire du Gué de Verthamont de 1740
à nos jours, histoire "mémoriale" et très conforme
à ce que véhicule toujours la tradition locale.
A dire vrai Raymond COURAUD avait déjà, en son temps, attiré l'attention des amateurs sur ce trajet réputé antique sans omettre de signaler combien le passage par la hauteur des Vignes de cote 340 et qui porte de nos jours les châteaux d'eau de la Commune d'Isle, par les vues qu'elle permet du nord au sud, convenait bien pour porter une aire à signaux gauloise ou gallo-romaine, ainsi que nous le suggérait le savoir traditionnel de l'époque pour faire voyager rapidement les dépêches de proche en proche. Passant la Vienne à sa façon - en dessous de l'Aiguille - ce qui n'était pas un problème, Raymond COURAUD reconnaissait comme antique le long cheminement d'interfluve qui descend plein sud, tenant le haut du terrain entre les ruisseaux, Boulou et Cramoulou. Au-delà de la Vienne, poussant à son tour vers le sud son itinéraire , René LACOTTE reconnaissait à quelques détails marquants - a minima comme de nos jours : tranchées routières, utilisation de la ligne de crête et toponymie ( La Pouge, L'Estrade . . .) - l'origine romaine de ce cheminement. Il pensait ainsi qu'après avoir été recouverte par la route moderne (Départementale 11 A), la voie antique la quittait peu après le travers de Lavoust (commune de Meilhac) et avant Royer (commune de Jourgnac), pour aller plein sud. COURAUD avait fait de même : à son époque il y avait encore un chemin de terre. Une courte tranchée dans les labours en témoigne encore au contact de la route. René LACOTTE, Un passage ancien de la Vienne : le gué de Verthamont dans Travaux d'Archéologie Limousine tome 11, 1991, pages 33 à 41. Nos photos sur ce site proche de Royer ne sont pas là par hasard. Un unique passage aérien sur la crête topographique après la montée du Bastier, ne nous avait rien révélé d'une route antique filant vers le sud. Rien sauf un court itinéraire très marqué qui nous avait semblé, à l'époque, venir en prolongement hypothètique d'une très ancienne route venant par Charroux et Bosmie d'un gué sur la Vienne à l'Aiguille. Une idée que Couraud avait eue en son temps et qu'il avait couchée sur ses croquis : là encore, il avait raison et par une photo prise au sol à Charroux, nous illustrerons le passage de cette voie sous l'ancienne école. Quelques années plus tard, intrigué par le mémoire de René LACOTTE, j'entrepris une courte enquête sur le terrain. Sur le terrain en effet, à peine deux cents mètres après s'être échappée en droite ligne de la route moderne (RD 11a) à la faveur d'un virage, on aborde à un croisement complexe entre l'axe antique nord-sud présumé et un ancien "chemin de servitude" de Royer à Meilhac, de direction transverse , encore bien matérialisé sur le terrain avec deux "chicanes" imbriquées ( en vert sur notre photo aérienne). Sur notre document, un double trait signifie un chemin creux encore pratiquable à cette réserve près que ces chemins sont ici intentionnellement bouchés ça et là, par des détritus de toutes origines : chassis de camion, branchages, fil de fer enchevêtré etc - comme autrefois peut-être, au Bas-Empire, les voies antiques autour de la ville d'Augustoritum, pour arrêter les randonneurs barbares !
Près de cet imbroglio René LACOTTE signalait un
"remblai d'écroulement" qui avait sans doute été
enlevé avant notre visite.
Mais nous avons été sensible au nom du village tout proche : "Les Rochers" qui peut certainement tirer son origine de gros blocs demeurés en place et qui ont pu constituer dans le passé comme nous le suggérons régulièrement, la matière d'oeuvre des constructeurs antiques de voies . A noter dans cet ordre d'idée que le vieux chemin qui file vers l'étang est sensiblement perché au-dessus des terres qui dominent le ruisseau : le talus délimitait autrefois (vieux cadastre ) une parcelle allongée que nous signalons en légère teinte orangée sur notre photo oblique de 1986. |
Suivant son intuition à partir de quelques fondements tangibles, René LACOTTE traçait la
suite de ce vieil itinéraire tel que nous le reproduisons sur
notre vue globale, en trait orangé, passant
le ruisseau par un gué qui a pu servir d'assise au pont de la
départementale actuelle.
Puis, il contournait la zone humide qui deviendra un étang un gros paquet de siècles plus tard. Et les traces que nous relevons sur notre cliché lui
donnent raison en regard de l'ancienneté de ces cheminements, de même que la présence
superposée et contournant l'étang à l'ouest, d'une
courte limite paroissiale /communale.
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A
cette nuance près cependant que jamais un chemin creux et
des lisières aux contorsions multiples n'ont
fait une voie romaine.
Nous pourrions avoir là en effet, de simples chemins de servitude d'abord créé par l'usage bien des siècles après la romanité puis ancré dans le sol par le ruissellement et balisés au cours du temps par des haies. Ces réceptacles naturels collectant au fil des siècles d'usage les déchets organiques des usagers, nous livrent aujourd'hui encore un foisonnement de houx et de fragon qui signe les très vieux chemins des hommes. |
Toujours
sur le panneau ci-dessus, nous
signalons sur la photo de GOOGLE et par un fin tracé vert ponctué, une
limite
intercommunale. Elle s'appuie avec un bel éclectisme sur des lisières ,
des chemins de toutes époques et un ruisseau qui passait par là : de
temps à autre le hasard fait ainsi les choses
!
Autour de l'étang, les traces que nous repérons au sol sur notre photo aérienne, pourraient tout aussi bien être des chemins très précoces de création gauloise car ils circulent au milieu de traces dont certaines (La Chaize) remontent avec certitude à cette époque : voir le contexte sensible que nous signalerons à nouveau à la page suivante concernant des voies antiques venant par le Pont-St-Martial ( La Chaize, Royer-Sud . . .). |
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A Royer-Les Rochers, la voie romaine quant à elle est
autrement inscrite dans le paysage : mais il faut beaucoup
d'attention et d'expérience pour
en détecter les reliefs sur le terrain au sortir du chemin creux
qui a
dû emprunter son assise pour un court instant : petite photo
ci-dessus où nous soulignons un bombement très amorti,
entre
deux lignes de fossés plus humides, distantes de plus de 20 mètres. La
large
trace file vers un ponceau marqué par un
ou deux arbres en boule.
Il nous a paru intéressant d'aller recouper
cet itinéraire sur la route de Royer à Nexon, au niveau
des Bourissous ( ci-dessus, plus haut) : la voie émane du
fond du cliché, à gauche d'un coin de parcelle
visible entre les arbres. Le vaste mamelon était parcouru en léger biais
par la voie qui venait passer à gauche, non loin du cairn
d'épierrement qui figure au premier plan de la petite photo panoramique ci-dessus .
Spectacle courant dans les terres de culture que ces monticules d'épierrement qui montrent de nombreux blocs de pierre pointant à travers le gazon qui le recouvre. |
Et dans ce contexte chronologique très ouvert on
peut remarquer qu'une courte section de la voie romaine a servi d'appui
à une limite paroissiale.
Ces photos classées sans suite comme beaucoup d'anecdotes isolées, loin de nos préoccupations du moment, ont retrouvé une valeur de symbole grâce à la publication de René LACOTTE. Elles illustrent ponctuellement la réelle élégance des véritables itinéraires antiques.
Et, comme pour nous donner raison, la projection verticale de GOOGLE
semble bien nous offrir de surcroît, surplombant la
chaussée, la trace d'un petit fanum . . . en bonus ! (astérisque)
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Loin des sentiers à brouette . . .
Enfin voici à nouveau l'image de la partie significative de notre site, puis un court passage de la voie romaine agrandie.
Son image de grande voie provinciale au tracé sans faille, à
peine moins imposante que celle d'une voie impériale, se démarque
catégoriquement de nos chemins limousins
ou de ces limites parcellaires échevelées que toutes les
époques ont semés dans la campagne et dont les pauvres
restes constituent autant de béquilles que des auteurs
récupèrent sans discernement pour les offrir en tant que voies
antiques, à un
public qu'ils trompent sans avoir semble-t-il jamais pris conscience de
s'être d'abord trompés eux-mêmes !
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Cette nouvelle voie
antique de direction présumée vers Périgueux/Bordeaux, est sans doute
d'origine antique tardive ainsi que nous l'avons déjà dit
en observant son enracinement sur la plateforme de
l'Amphithéâtre antique, en marge de la ville ruinée
d'Augustoritum. Car l'image ci-dessus permet d'évaluer utilement son
emprise comme étant à peine supérieure à
celle d'une honnête route départementale actuelle.
Pour faire plaisir à un Maire soucieux de connaître mieux l'histoire de sa commune, René LACOTTE, homme affable s'il en fut et géologue émérite, eut ici une belle intuition. Mais il ne pouvait guère faire mieux que de compiler la rumeur, savante mais rumeur quand même, sur le tracé populaire de la voie de Verthamont et d'évoquer avec brio, l'origine antique qu'on lui accorde. Mais rien ne lui permettait à cette époque - et rien de nouveau ne lui permettrait aujourd'hui, hélas ! - de trouver dans la littérature locale spécialisée les idées neuves qui lui auraient permis de retrouver la véracité des choses qu'il observait. |
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Les chemins antiques de Vesunna (Périgueux) et Burdigala
(Bordeaux) sont évidemment multiples et nous en savons
déjà quelque chose. Rappelez-vous aussi la trace de voie
venant des gués de Mérignac (?) et qui rejoint juste avant
Beynac la voie du Haut-Empire venant du gué primitif du
Haut-Verthamont. Et d'excellents auteurs vous parlerons encore des
chemins de Périgueux passant par Aixe-sur-Vienne.
Dans cette idée et sur notre photo de 1986
ci-dessus, nous suggérons par un tracé
vert orienté au nord une possible et très ancienne route
venant
de l'Aiguille par Viblac, Charroux, Bosmie, le Boulou et Noyéras.
Cette idée - qui n'est cependant pas neuve dans le paysage archéologique limousin mais peu documentée à ma connaissance - me revint un jour où obligé de "tuer le temps" près de la salle de réunion et d'activités de Charroux, je fus |
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intrigué par une débauche de pierres et de blocs de
rochers qui encombraient manifestement le paysage et dont l'abandon sur un très ancien site
d'approvisionnement routier était plausible (documents ci-contre).
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